De nos jours, chacun possède une multitude de comptes en ligne tels Gmail, Facebook et Twitter. Mais, vous êtes-vous déjà demandé ce qu’il adviendrait de votre patrimoine virtuel courriels (Outlook, Hotmail, Gmail, etc.), médias sociaux (Facebook, Twitter, etc.), nuages ou cloud (Dropbox, Icloud, etc.) et autres comptes numériques à votre décès?

Tout d’abord, il est important de savoir que la majorité des fournisseurs, qu’il s’agisse de Yahoo, Outlook, Dropbox, ou autres, se sont dotés d’une politique de décès. Malheureusement, malgré l’adoption de ces politiques, il n’existe pas de pratique uniforme sur le sort de votre patrimoine virtuel après votre décès. Chaque fournisseur a ses propres règles et manières de procéder et nous pourrions presque comparer la situation actuelle au Far West.

Le seul aspect semblant faire l’unanimité est qu’aucun de ces fournisseurs n’acceptera de vous remettre le mot de passe de l’utilisateur décédé. De plus, dans la majorité des cas, le compte sera fermé, sans possibilité d’accéder à son contenu (courriels, photos, etc.). Ainsi, Yahoo, iCloud et Twitter refusent de remettre le contenu du compte, mais autorisent sa clôture suivant la demande d’une personne autorisée à agir dans le cadre de la succession ou d’un membre de la famille.

Autre écueil, la majorité de ces fournisseurs sont des compagnies américaines qui ignorent tout de nos lois et qui, dans bien des cas, croient que liquidateur rime avec tueur à gages. Blague à part, il pourrait donc s’avérer très difficile pour un liquidateur testamentaire de traiter avec ces fournisseurs dans ces circonstances.

À titre d’exemple, Dropbox exige pour pouvoir accéder au dossier de la personne décédée que vous ayez une « décision juridique valide reconnaissant que le défunt vous avait donné procuration sur les fichiers figurant dans son compte après son décès ». Évidemment, il serait opportun d’informer Dropbox qu’au Québec une procuration n’a plus d’effet après le décès et qu’aucune décision juridique n’est nécessaire lorsque le testament pourvoit adéquatement à ces questions.

Outlook a également adopté sa propre politique, soit la « Procédure pour parents proches » qui autorise la remise du contenu au parent proche et/ou la clôture du compte. Cependant, bien qu’Outlook reconnaisse le statut d’exécuteur, comme il l’appelle, il semble que leur procédure soit davantage basée sur les lois françaises que sur les lois québécoises. Il vous faudra donc expliquer à Outlook qu’au Québec, les preuves de décès, de naissance et de mariage, ne sont pas délivrées par la Mairie, mais plutôt par le Directeur de l’état civil. D’autres ont plutôt décidé d’emboîter le pas et de vous permettre d’ores et déjà de prévoir ce qu’il adviendra de votre compte à votre décès.

Par exemple, Facebook vous permet de choisir entre la suppression de votre compte ou la création d’une page de commémoration. Google quant à lui a créé le « Gestionnaire de compte inactif » permettant aux utilisateurs de partager une partie des données de leur compte ou de prévenir un contact si leur compte est inactif pendant un certain temps.

En résumé, bien que la majorité de ces fournisseurs aient adopté des procédures en cas de décès plusieurs difficultés peuvent survenir. Ainsi, afin de faciliter l’administration et la transmission de votre patrimoine virtuel, il serait souhaitable d’insérer une clause dans votre testament traitant de cet aspect. Par exemple, vous pourriez octroyer le pouvoir à votre liquidateur testamentaire d’accéder au contenu de vos comptes ou à tout le moins l’autoriser à les fermer. Il serait également prudent d’inventorier par écrit, par exemple dans un bilan patrimonial, vos comptes et noms d’utilisateur. Nous ne recommandons toutefois pas d’y inscrire vos mots de passe afin de protéger la confidentialité de ces renseignements. Enfin, si vous avez comme bien d’autres abandonné les factures et les états de comptes papier au profit des courriels, pensez à compléter un bilan patrimonial et à le mettre à jour régulièrement afin que votre liquidateur puisse s’y retrouver.

N’hésitez pas à parler de ces questions à votre notaire. Il pourra vous aider à planifier la transmission de votre patrimoine virtuel.

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Christiane Ratelle, notaire